l'ancienneté des harpes

 

Si l'on veut bien y réfléchir, d'ailleurs, il est plus que vraisemblable
que l'arc musical donna naissance à l'arc de chasse et non l'inverse. L'arc musical est essentiellement une liane tendue que l'on fait entrer en vibration. Il faut lui ajouter un détendeur pour lui procurer une force de propulsion: un plus et non un moins.
Seule une combinaison de forces peut transformer l'arc musical en arc de chasse
.
Eric de Dampierre.

 

L'apparition des harpes est difficile à cerner et la datation des rares témoignages, délicate à préciser.
Les premières formes arquées sont représentées pendant le quatrième millénaire avant notre ère en Inde, au Sahara et en Mésopotamie.
Elles se répandent vers l'Egypte et la Perse au cours des millénaires suivants.

-4000 Pachmarhi, Inde. -3500 Ennedi,Tchad. -3400 Chogha Mish, Iran.
-2450 mastaba d'Akhethetep. -1950 tombe thébaine. -1300 Egypte

Si leur expansion n'a pas laissé de traces archéologiques, de nombreuses harpes arquées d'Afrique centrale conservent des formes très proches de celles des anciennes égyptiennes. Prætorius montre en 1619 une harpe toujours en usage au Gabon. Elle l'est certainement depuis longtemps déjà, lorsque l'exemplaire qui lui sert de modèle est rapporté en Europe à la fin du 16e siècle, montrant par là une grande permanence des traditions liée au culte des ancêtres.

-2000 Egypte. 1900 Congo. 1619 Praetorius. 1900 Gabon.

La harpe angulaire apparaît durant le -2e millénaire mais sa diffusion se constate surtout au -1e millénaire. Deux types se distinguent alors:
         •  les harpes horizontales, jouées au plectre d'une main en étouffant certaines cordes de l'autre.
Leurs plus anciennes traces archéologiques septentrionales se retrouvent en Asie centrale dans des sites funéraires scythes et dans le désert du Xinjiang. C'est par là qu'après l'ambassade de Zhang Qian qui ouvre la Chine vers l'ouest, se mettent en place les routes qui vont amener la soie à Rome.

-500 Olbia, Ukraine. -500 Yanghai, Chine. -300 Pazyryk, Sibérie.

         •  les harpes verticales, jouées avec les doigts par les deux mains, caisse dressée.
Développées dans l'empire Perse elles font preuve d'une singulière stabilité de forme qui va durer plus d'un millénaire.

-1500 Eshnunna, Irak. -650 Ninive, Irak. -500 Egypte. -260 Bishapur, Iran.

Appelées psalterion, pektis, nabla, magadis, sambuca, trigonistria, hapax, trigone, &c... les noms des harpes sont alors plus nombreux que ceux qu'évoque plus tard Isidore de Séville.
Pour les philosophes grecs, les instruments avec un grand nombre de cordes permettant de mélanger tous les modes, sont considérés comme barbares. Ils les accusent d'amener à la mollesse et de pervertir l'âme.
Il y a peu de représentations de harpes et elles semblent le plus souvent réservées au gynécée.
Anecdotique à Rome, la plupart de ces harpes méditerranéennes sont aussi de forme persanne. Quelques exemplaires sont munis d'une colonne.
Leur pratique a décliné en même temps que l'Empire dans la fin du premier siècle.

-440 Attique, . -400 Athènes, Grèce. -340 Pouilles,Italie. -200 Alexandrie.

25 Myrina, Grèce.

Très présente dans l'empire Sassanide, c'est encore la forme persane qui se répand majoritairement vers l'Inde et la Chine avec le Bouddhisme. De nombreux documents montrent aussi la harpe au sein d'un orchestre.
Nombre de ces harpes tombe en désuétude entre les 15e et 17e siècles.
Lors de l'islamisation de la Perse, les Arabes l'adoptent. Ils l'emmènent dès le début du 9e siècle en al-Andalus avec l'archet, une nouveauté venue de l'est. Mais elle est éclipsée par le succès de la baguette qui permet d'imiter la voix.

500 Wei, Chine. 500 Pawaya, Inde. 550 Dunhuang, Chine. 620 Taq-e Bostan, Iran.
700 Chine. 800 Bagdad, Irak. 950 Mogao, Chine 1200 céramique, Iran. 1280 Alfonso X.

C'est par la Volga qu'à la fin du 8e siècle les Varègues relient la mer Baltique à la mer Noire et la mer Caspienne. Ils rejoignent les routes de la soie et commercent avec la Perse, jusqu'en Afghanistan d'où vient l'acier de leurs épées au milieu du siècle suivant. L'archet et la harpe suivent aussi ces mêmes chemins.
Au fil du temps, certaines de ces harpes sont restées en usage dans la musique traditionnelle, d'autres sont réapparues après une période d'occultation. Quant au konghou avec son double plan de cordes reliées, il a été complètement ré-inventé pour répondre aux spécificités de la musique chinoise.

> changi, Géorgie. > saùng-gaunk, Birmanie. > konghou, Chine.

Essai de recensement des plus anciennes représentations pour chaque période:

 

Références

-4000
-3500
-3400
-2400
-1980 ≈ -1950
-1390 ≈ -1295
-2030 ≈ -1640
1900
1619
1900
≈ -1500
-650
-664 ≈ -332
-260
-500
-500
-300
365 ≈ 535
500
550
620
650 ≈ 700
787 ≈ 886
≈ 950
1200
1251 ≈ 1283
-440
-400
-340
-200
25
615
900 ≈ 950


2004

peinture rupestre de Batki Bundal, Pachmarhi, Inde.
peinture rupestre de l'Ennedi, Tchad.
sceau du site de Chogha Mish, Iran. Oriental Institute of the University of Chicago, III-913a.
mastaba d'Akhethétep, 5e dynastie. Saqqara, Égypte. Musée du Louvre, E 10958 (A).
tombe thébaine TT60. Cheikh Abd el-Gournah, Egypte.
harpe arquée, 18e dynastie, Égypte. Metropolitan Museum of Art, 43.2.1.
harpe arquée, fin du Moyen Empire, Egypte. Metropolitan Museum of Art, 19.3.17.
harpe mangbetu, Congo. Collection Philippe Ratton, France.
Prætorius. Syntagma Musicum. planche XXXI. Wolfenbüttel, Allemagne.
harpe ngombi, Gabon. Cité de la musique de Paris, E.1846.
stèle, Eshnunna, Mésopotamie, actuelle Tell Asmar, Irak. Louvre, AO 12453.
bataille de Til-Tuba, palais d'Assurbanipal. Ninive, Irak.
statuette, Nouvel Empire, Egypte. British Museum EA 48658.
mosaïque sassanide de Bishapur, Iran.
harpe scythe. Olbia du Pont, Ukraine. Disparue de Berlin pendant la 2de guerre mondiale.
harpe konghou. Yanghai, Chine.
harpe scythe. Pazyryk, Sibérie. Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg.
fresque, Dynastie Wei du nord, Chine.
linteau de Pawaya. Gujri Mahal Museum Gwalior, Inde.
grotte bouddhiste de Dunhuang, Chine.
grotte sassanide de Taq-e Bostan. Kermanshah, Iran.
terre cuite, Chine. Ashmolean Museum, EA1991.59. University of Oxford.
Traité des nativités, attribué à Abû Ma'schar al-Balkhî. Bagdad, Irak.
grotte bouddhiste de Mogao, Dunhuang, Chine.
coupe en céramique islamique, Iran. Metropolitan Museum of Art, 57-36-14.
El Libro de ajedrez, dados e tablas, Mss. T.I.6, f° 22r.  Monasterio del Escorial, Espagne.
Terpsichore, vase à figures rouges. Vulci, Italie. Britsh Museum, E 271.
camée attributé à Dexamenos. Attique, Grèce. Walters n° 529.
vase des Pouilles, Italie. Bibliothèque nationale de France, De Ridder 1047.
terre cuite post-tanagréenne. Musée gréco-romain d'Alexandrie, 19501. H.
terre cuite de Myrina, Grèce. Musée du Louvre, Myr272.
Isidore de Séville. Originum sive Etymologiarum, De Musica. lib. III, XXII, § 3 & 7.
Al-Farabi, Kitab al-musiqa al-Kabir.
changi, Georgian National Museum, Tbilisi.
saung-gaunk. Cité de la Musique de Paris E.998.19.1.
Bo Lawergren, Harps on the ancient silk road.