Á son apparition en Écosse la harpe est réalisée dans la masse, comme la plupart des instruments depuis quelques millénaires. Le cintrage de la caisse par la traction des cordes, présent dès les premières représentations, révèle une conception "en coquille" souple, caractéristique de la construction norroîse. Particulièrement adaptée à la traction permanente du plan de cordes, cette construction n'a jamais été abandonnée, tant pour sa stabilité que pour sa valeur symbolique.
La facture dans la masse se conforme aux usages des travailleurs de bois menus, qui dans l'ensemble prohibent l'emploi de l'aubier & de la colle.
La caisse est travaillée d'une pièce dont est prélevée une planchette pour faire le fond. L'intérieur & l'extérieur de la table d'harmonie & des côtés sont sculptés dans le fil du bois.
Le fond, inséré dans une feuillure, est bloqué sur toute sa largeur par la déformation des éclisses qui se resserrent sous la tension des cordes, à la manière d'une pince de carrier. Sa longueur permet de contrôler le cintrage de la caisse.
La console & la colonne sont habituellement sculptées dans un bois du même arbre. Les assemblages sont réalisés par tenon & mortaise, parfois chevillés. Après montage, les 3 pièces se trouvent bloquées par la tension du plan de cordes, sans besoin de colle. Les jonctions avec la caisse doivent anticiper la courbure provoquée par la mise sous tension; la rotule des harpes de Compostelle est une réponse particulièrement élégante à cette contrainte.
Pendant la Renaissance, avec l'usage des harpions, les caisses s'affinent. Un collage vient joindre la voûte de la table d'harmonie & le fond, sculptés en 2 coques.
Dès la fin du 13e s, la facture arabe du luth par assemblage de planchettes collées est appliquée à d'autres instruments à cordes: la lutherie.
Cependant, les harpes de 4 octaves du baroque espagnol semblent être les premières construites à la mode du luth.
C'est surtout l'adoption de la gamme tempérée à la fin du 18e s. qui va bouleverser l'esthétique musicale en abandonnant la quinte juste. La facture ancienne privilégie un son très riche en harmoniques naturelles. Devenues des intrues, le travail des luthiers tend progressivement à concentrer ces harmoniques en un son qui gagne en puissance ce qu'il perd en couleur.
du bois
Les usages des sculpteurs, l'affection irlandaise pour le saule, témoignent d'une préférence pour l'emploi de bois tendres. Moins sujets à fendre en grandes sections, ils sont d'habitude immergés quelques années en marais, ce qui élimine la matière organique et augmente leur stabilité et leur résistance au vieillissement. Les apports minéraux accroissent leur densité & donnent une réponse acoustique plus nerveuse, se rapprochant de celle des bois durs.
L'ensemble se comporte comme un tambour de bois et la fréquence propre de chaque pièce est généralement accordée selon la fondamentale définie dès le tracé.
des cordes
La majorité de l'Europe utilise des cordes en boyau de mouton; l'Écosse & l'Irlande préfèrent le bronze, les gallois autorisent le crin. Certaines lianes sont utilisées en Afrique & les harpes birmanes sont cordées de soie.
Les cordes sont rarement parallèles entre elles: balancées en éventail, elles sont souvent plus reserrées à la console que vers la caisse. Leur écartement est celui des autres instruments à cordes. Vers la Renaissance, entre 8 et 10mm, il favorise l'exécution des ornementations & appogiatures.
Entre "ni trop, ni trop peu" des anciens & "juste avant le point de rupture" au 19e s, la tension des cordes varie toujours. Probablement assez ferme sur les harpes de 2 octaves du Moyen-Âge, elle s'affine vers une recherche des graves en l'absence de cordes filées, pendant la Renaissance, favorisant encore l'émission d'harmoniques. Dans les premières années du 19e s, Sébastien Érard l'augmente, la rapprochant de celle du piano.
Concordant avec la diffusion des synthétiques dans la seconde moitié du 20e s, un retour vers les anciennes musiques fait coexister des chanterelles de luths tendues à moins de 3 kg & certains mi de guitares dépassant 7 kg. Les médiums des harpes celtiques & de concert voisinent les 10 kg & ceux d'une d'une harpe renaissance, 4 kg.
des chevilles
Elles sont majoritairement en bois dur ou en os, voire en ivoire. Le métal vient tardivement, quand il se démocratise dans le courant du 15e s.
Cependant, les chevilles de bronze règlent les cordes de même métal chez les Gaëls.
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> Queen Mary, début 16e s.
les harpes gaéliques ont conservé une facture purement médiévale
jusqu'au 18e siècle.
cathédrale de Chartres,
portail nord, 1217.
harpe de Bergen, Norvège.
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